Ecrit par Gwendolenn Sharp, The Green Room
L'intensification des crises environnementales, les tensions croissantes sur les ressources naturelles ainsi que la confrontation aux limites planétaires sont en train de façonner des changements écologiques majeurs dans nos sociétés. Dans ce contexte, le secteur de la musique, tout comme le champ culturel dans son ensemble, doit jouer un rôle crucial dans l'atténuation des impacts environnementaux, en s'alignant sur les objectifs de réduction et les réglementations nationales, européennes et internationales en vigueur. Il doit également amorcer sa propre transformation pour s'adapter aux bouleversements à venir, renforcer sa résilience face aux risques auxquels il fait face, aux chocs et aux évolutions inévitables.
La musique, parce qu’elle touche de très larges publics et a une forte capacité d’influence, peut en outre inspirer et servir de modèle et d’exemple dans l’appréhension et la mise en récits de ces changements systémiques actuels et à venir.
Cette partie du MOOC se donne ainsi comme objectifs de présenter :
- Un bref état des lieux des constats scientifiques, environnementaux et climatiques
- Le cadre légal et politique à l’échelle européenne concernant l’environnement et le climat
- Un focus méthodologique sur le calcul de l’empreinte carbone appliquée au secteur de la musique
Pour maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 2 °C, avec une probabilité de le limiter à 1,5 °C, une réduction d'environ 45 % des émissions de dioxyde de carbone par rapport aux niveaux de 2010 est nécessaire d'ici à 2030, et une réduction à zéro d'ici à 2050. La date cible de 2030 souligne l'urgence des progrès à réaliser (et donc de la vitesse à laquelle le budget carbone mondial est consommé) ainsi que la nécessité de fixer des objectifs à la fois à court et à long terme.
Au-delà des enjeux climatiques, l'épuisement des ressources naturelles et l’effondrement de la biodiversité soulignent l'importance cruciale de ces efforts, mettant en lumière la nécessité d'adopter des mesures de conservation et de réduction de l'empreinte écologique dans tous les secteurs des activités humaines.
Actuellement, selon le GIEC, si les États maintiennent les politiques mondiales qui étaient en place jusqu'à fin 2020, le réchauffement mondial devrait atteindre 3,2 °C d'ici à 2100. Cela représente un écart considérable par rapport au rythme nécessaire pour respecter les engagements pris dans le cadre de l'accord de Paris.
Pour répondre à cette urgence, un changement radical et une augmentation soutenue des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont impératifs.
La politique européenne de l'environnement repose sur les articles 11 et 191-193 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le huitième programme d'action pour l'environnement (2021-2030) comprend six principaux objectifs :
Dans le cadre du Pacte vert (ou Green Deal), l'UE s'est engagée à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050 et à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici à 2030 (par rapport à 1990). Une proposition a été faite pour une réduction de 90 % d'ici à 2040. La "loi climat", entrée en vigueur en juillet 2021, traduit ces objectifs en droit et prévoit la création d'un conseil scientifique consultatif pour évaluer les actions nécessaires à leur réalisation. Ce conseil évalue également la conformité des initiatives législatives européennes avec les objectifs du Pacte vert et de l'accord de Paris sur le climat.
Le bilan carbone est une méthodologie permettant d’évaluer l'empreinte carbone d'une entité, qu'il s'agisse d'une entreprise, d'un produit, d'un événement ou même d'un pays. Il mesure les émissions de gaz à effet de serre, indiquant ainsi l'impact sur le changement climatique. En France, cette méthode a été établie par l’ADEME en 2004 et est largement utilisée depuis. Elle prend en compte l'ensemble des gaz à effet de serre définis par le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l'Evolution du Climat) et couvre tous les flux d'émissions. Ces flux sont divisés en trois catégories d'émissions, souvent appelées Scope 1, 2 et 3, qui représentent différents aspects de l'activité d'une organisation.
- SCOPE 1 : Ces émissions proviennent des actifs détenus ou exploités directement par l'entité. Cela inclut par exemple les émissions issues du chauffage au fioul, des chaudières à gaz, des véhicules appartenant à l'entreprise, des générateurs, etc.
- SCOPE 2 : Ces émissions découlent de l'énergie achetée par l'entité, mais produite ailleurs. Un exemple typique est l'électricité achetée auprès d'un fournisseur. Les émissions liées à cette production d'énergie sont attribuées à l'entité qui achète l'électricité.
- SCOPE 3 : Ces émissions couvrent un large éventail d'activités indirectes associées aux opérations de l'entité. Cela inclut les voyages professionnels, les biens et services achetés, le transport et la distribution des produits, l'alimentation, le traitement des déchets, les investissements, les déplacements des publics, etc.
Empreinte carbone : La quantité totale de gaz à effet de serre émise directement ou indirectement par une activité, un produit ou une organisation, exprimée en équivalent CO2.
Bilan carbone : L'évaluation des émissions de gaz à effet de serre d'une organisation ou d'une activité sur l'ensemble de son cycle de vie, y compris les émissions directes et indirectes. On calculera ainsi le bilan carbone d’un concert, d’une année d’activités d’une salle de spectacle, de la production d’un disque, d’une tournée d’un-e artiste ou de l’édition d’un festival.
Émissions directes : Les émissions directes sont celles produites directement par les activités de la structure culturelle, comme la consommation d'énergie pour l'éclairage, le chauffage ou la climatisation.
Émissions indirectes : Les émissions indirectes sont celles associées aux activités de la structure mais générées en dehors de ses frontières, comme le déplacement des artistes, les achats ou la mobilité des publics.
Exemple du calcul carbone d’une salle de concert : Le Périscope
Exemple de la mise en place d’une stratégie carbone à la suite de la réalisation d’un bilan carbone
Exemple d’une étude carbone collective avec 9 lieux et festivals de jazz en France et en Europe
Le rapport Déclic Décarbonons le Live collectivement (musiques actuelles, 2024)
Guide de la Décarbonation du Spectacle vivant de WeCount (Spectacle vivant, 2022)
Rapport et plaidoyer de la (mini)-convention climat de Zone Franche (musiques du monde, 2022)
Super-Low Carbon Live Music: a roadmap for the UK live music sector to play its part in tackling the climate crisis, Tyndall Centre for Climate Change Research (musique, 2021) EN